Le halo furtivement aperçu au plafond du pavillon sur sa droite accéléra brutalement son pouls. Il donna un coup de frein brusque et se gara contre le trottoir quelques mètres plus loin, maudissant le hasard. Son poste au commissariat s’était terminé avec du retard ; sa femme l’attendait à la maison pour coucher les enfants ; et pourtant, sa conscience professionnelle lui interdisait d’ignorer ce cambriolage. Il se devait d’intervenir… seul. Vu les effectifs de nuit, son appel au poste ne déclencherait pas l’envoi d’une équipe avant un petit moment.
Pour son premier vol, il avait jeté son dévolu sur cette maison déserte au hasard. Désespéré, il lui fallait absolument trouver de l’argent pour sortir Joëlle de son enfer. Mais sa vieille lampe déconnait, elle s’allumait par intermittence, ce qui compliquait sa fouille dans le noir et ajoutait à son angoisse d’être découvert.
Il traversa le jardin silencieusement, pour surprendre un éventuel guetteur… Personne ! Les volets du rez-de-chaussée étaient clos, pas moyen de jeter un coup d’œil pour savoir combien de malfaiteurs sévissaient à l’intérieur. Le flingue, dans son poing serré, marquait un léger tremblement.
Rien d’intéressant en bas, il se résolut à grimper à l’étage, prenant le risque de s’éloigner d’une issue en cas de retour inopiné des propriétaires. Il pouvait tomber sur quelques bijoux dans la chambre ou des espèces dans le tiroir d’une commode. Allez ! il fallait qu’il soit courageux… pour elle. Il tapota l’opinel dans sa poche pour se rassurer ; au besoin, il saurait s’en servir.
En arrivant sur le perron, la situation lui rappela soudain un souvenir ancien qui lui avait donné envie, par la suite, d’embrasser cette profession. Quel revers du destin ! Il ne voulait pas attendre que les voleurs aient tout saccagé pour intervenir. Il prit une profonde inspiration :
— Police ! Sortez !
L’écho de ces deux mots dans la montée d’escalier fit cogner son cœur si fort qu’il crut qu’il allait s’arrêter. Une peur panique s’empara de lui. Affolé, il avala les dernières marches et se mit à courir dans tous les sens. Les flics, nom de dieu ! Il était vraiment maudit. Comment avaient-ils fait pour savoir qu’il était là ? Quelqu’un l’avait dénoncé ! Putain, il fallait qu’il se tire !
Martelant la porte d’entrée à grands coups de poing, il renouvela son injonction. Il pensait impressionner le ou les voleurs éventuels pour les pousser à se rendre. Puis il recula de plusieurs pas, par précaution et pour contrôler toute tentative de fuite par les côtés. Il se mettait à leur place, et pour cause. Aucune réponse ne se fit entendre, juste un deuxième éclair lumineux au premier lui confirma que son message était clairement passé.
Malgré sa fébrilité, il ouvrit la fenêtre aussi discrètement que possible. Derrière la maison, quatre mètres plus bas, le gazon luisait sous la lune. Sans réfléchir, il enjamba le rebord et sauta dans le vide. La réception fut douloureuse et lui arracha un cri. Immédiatement, il ressentit une douleur fulgurante au niveau du genou. Il essayait de se relever avec peine quand le faisceau d’une torche lui éclata en pleine figure. Il comprit brusquement qu’il venait de perdre la seule chance qu’il lui restait de la sauver.
La porte d’entrée s’ouvrit prudemment sur une femme en robe de chambre, tremblante et effrayée, une bougie à la main.
— Voilà , voilà ! Que voulez-vous ? Vous m’avez fait peur !
— Que faites-vous dans le noir, madame ? Je croyais avoir affaire à un cambrioleur ?
— Oh ! Les plombs ont sauté et je ne sais pas où se trouve le disjoncteur… comme mon mari est absent…
— Je comprends, puisque je suis là maintenant, je vais vous aider à le trouver.
Une voix rugueuse perfora la nuit pour lui ôter définitivement tout espoir : « Eh toi ! Tu ne pensais pas t’échapper aussi facilement ? Allez mon petit gars, tu vas me suivre au poste pour m’expliquer tout ça ! »
Le temps allait changer, sa vieille douleur au genou se réveillait. En boitillant pour regagner son véhicule, rassuré, il repensa à ce brave flic qui, quinze ans auparavant, le prenant en pitié, l’avait aidé à s’en sortir. Grâce à lui, il rejoignait Joëlle et les enfants, ce soir encore et toujours, heureux…
un style bien Ă toi, particulier mais qui me plait bien. Une histoire ou l’amour et la tolĂ©rance se partagent la vedette.
raconter le prĂ©sent et le passĂ© en mĂŞme temps alors que l’on pense Ă 2 personnes diffĂ©rentes au premier abord, tu es très fort pour nous emmerner lĂ oĂą on ne s’y attend pas !
bravo