Julie n’avait pas pu fermer l’oeil de la nuit, guettant mon retour vers quatre heure du matin. Je l’entendis se retourner dans les draps. Au lieu de gagner le lit conjugal, je rejoignis la chambre d’ami pour m’y enfermer, je n’avais pas envie de subir encore ses reproches ou ses soupirs de bonne femme. Quelques minutes plus tard, je devais sans doute ronfler comme un sonneur de cloches, l’alcool aidant. Le matin, elle jugea probablement plus judicieux de ne pas me réveiller, et après un café rapide, rejoindre ses abrutis de malades dans son centre à la con. Je me réveillai tard dans la matinée. Un tam-tam africain rythma maladroitement les excuses embrouillées que je dut fournir à mon patron par téléphone. Je souffrais d’une sorte de grippe intestinale qui me donnait envie de vomir sans cesse. Je le rappellerais demain si ça n’allait pas mieux. A l’autre bout du fil, mon interlocuteur n’eut pas l’air d’apprécier le mensonge. Mais je m’en moquai ; cet après midi, j’avais autre chose de mieux à faire. D’ailleurs, je lui donnerais bientôt ma démission, à ce chef de mes deux… Le plus urgent, avaler un cachet d’aspirine et faire passer ce terrible mal de crâne pour que, dans quelques heures, je puisse me donner toutes les chances de réussite. Surmontant une certaine appréhension, je récupérai Ludo sur le coup de treize heure avec ma vieille bagnole passe partout. La Golf était trop voyante. Depuis plusieurs semaines, mon nouvel associé surveillait les propriétaires d’une villa neuve relativement isolée sur le versant Est de la montagne dominant la vallée. Sans se faire repérer, il avait noté méticuleusement leurs allées et venues ainsi que leurs habitudes. Le couple se rendaient quotidiennement au travail en respectant des horaires pratiquement invariables, à part le mari qui étirait souvent sa fin de journée, en bon cadre qu’il était. Cela leur laisserait tout le temps d’agir. Il avait aussi remarqué que ses futures victimes possédaient trois véhicules de bonne facture, ce qui dénotait une certaine aisance financière. L’un d’eux restait obligatoirement au garage, amenant Ludo à en déduire qu’il avait doublement besoin d’un comparse pour réaliser son coup. Hier soir, je tombais tout droit du ciel pour lui. Je possédais les connaissances idéales pour parfaire le cambriolage. Nous nous garâmes à plus de cinq cent mètres de notre cible, firent le tour par un pré et atteignirent la clôture de la propriété. Après avoir découpé une partie du grillage, nous sautâmes furtivement la haie de thuyas trop récemment plantée pour opposer une résistance à notre passage. D’où nous nous trouvions, les plus proches voisins ne pouvaient nous apercevoir. Nous gagnèrent sans crainte la porte d’entrée où Ludo s’activa immédiatement sur la serrure. Confiants dans le fait d’être éloignés des centres de délinquance, les propriétaires n’avaient pas jugé utiles de faire installer un système d’alarme. Ludo avait pu s’en assurer un jour en se présentant à leur domicile comme un représentant quelconque. Le verrou ne tint que quelques minutes face aux assauts du voleur aguerri à l’exercice. En pénétrant dans la maison, il chuchota malgré l’absence de risque d’être entendu : — Bon, mon Youyou, tu t’occupes de l’étage. Tu ramasses uniquement ce qui a de la valeur : bijoux, liquide. A la limite, les fringues de marques pas trop abîmées. Tu fais toutes armoires. Et tu t’emmerdes pas, tu fous tout en l’air. On va pas moisir ici, on ne sait jamais. Ok ? — T’inquiète pas, j’ai pigé, répondis-je dans un souffle, étouffant un agréable sentiment de culpabilité et de peur latente d’être surpris en plein délit. Mais je ne voulait rien montrer à Ludo. Tout à ces nouvelles émotions, je gravis les marches en repensant à mon futur statut de coureur automobile. Quant aux propriétaires, l’assurance les remboursera, qu’ils aillent au diable… La récolte fut à la hauteur des espérances de Ludo : matériel audiovisuel et ménager dernier cri, tableaux signés et du petit mobilier d’époque revendable à bon prix. Le malfrat sauta de joie en découvrant la Mercedes au garage. Ces imbéciles de bourgeois l’économisaient pour le week-end et utilisaient les autres pour se rendre au boulot. Les cons ! Seulement, les portes du véhicule étaient verrouillées. Il retourna dans le couloir d’entrée à la recherche éventuelle des clefs, sans succès. Finalement, il avait bien fait de m’emmener. Il me héla du bas : — T’en est où, j’ai besoin de toi ? — J’ai presque fini mais je ne sais pas ce que ça vaut, les conneries que j’ai trouvées. — Te bile pas, j’ai un receleur d’aplomb qui s’y connaît. Il fera le tri. Y a pas d’embrouille avec lui. Je descendis les bras chargés d’habits emballés dans du Cellophane et un coffret dans la main. — Génial, s’exclama Ludo, t’apprend vite le métier. Bon, j’ai pas pu mettre la main sur les clefs de la tire, tu peux t’en occuper. Fais gaffe, c’est une Mercos dernier cri. Elle va sûrement gueuler dès que tu vas la toucher. Mon âme de mécano me fit sourire en coin. Je dépannais les alarmes de mes clients toute la journée : perte ou absence de piles de la télécommande, fils débranchés, mauvais fonctionnement. La routine, quoi. Allemande ou pas. — Prépare toi à charger le matos ! Quelques minutes plus tard, la berline ronronnait de la douce mélodie de ses cylindres. L’immense coffre ne suffit pas, il fallut en mettre sur la banquette arrière. Un couverture cacha l’objet du larcin à la vue de coups d’oeil indiscrets. Le volet roulant du garage glissa silencieusement sur ses rails bien huilés. En boîte automatique, je m’engageai dans l’allée jusqu’au détecteur du portail qui s’ouvrit automatiquement. Trop facile la combine. On remplit tranquillement la bagnole des pigeons avec les objets volés, à l’abri des intempéries et des regards et on se barre avec sans risquer de se faire dénoncer par le premier promeneur un peu curieux venu. Ludo regarda de chaque côté pour s’assurer de leur impunité. De son jardin, un voisin leur adressa un petit signe de courtoisie. — Ce con nous prend pour les proprios, pouffa Ludo en baissant la tête pour ignorer le gars. File, il risque de se poser des questions de les voir là à cette heure ! Nous rejoignirent la Clio au détours d’un virage et je laissai à regret le volant à mon complice. — Tu penses qu’on va se faire combien chacun ? — Avec la Mercos, quatre à cinq mille pour toi, un peu plus pour moi. Faut voir ! On encaisse à peu près vingt-cinq pour cent de la valeur réelle du matériel. Cela représentait trois mois de salaire de mécanicien. J’étais ravi : — Quand tu veux pour un autre coup comme ça, c’est trop fastoche ! — Attend mon gars, il faut d’abord étudier la chose, anticiper la revente. C’est d’ailleurs pour ça que je touche plus. Toi, ton boulot ne te permet pas de te libérer. Et c’est pas toujours aussi simple. Sans compter que parfois, on a besoin de sortir les flingues. — ça me fait pas peur, m’enhardis-je. Ces nouveaux sentiments éprouvés et la pensée de l’argent me grisaient. Tu connais mon but. — Entendu ! Rendez-vous mercredi prochain au pub. J’en saurai plus sur ce qu’on va empocher et ce qu’il y a en vue. Si ta meuf te laisse sortir, bien sûr… A travers la vitre, je lui jetai un regard qui en disait long sur le peu d’intérêt que j’accordais maintenant à ma relation matrimoniale. — A mercredi, pas de problème, amène de quoi me faire gamberger. Je suis impatient maintenant, de me payer ma tire. La Mercedes s’éloigna sereinement tandis que je regagnais ma vieille Clio. En démarrant, je me dis que je ne méritais pas de rouler là-dedans. J’appréciais le luxe de la berline que je venais de quitter. Plus rien ne m’arrêterais maintenant et sûrement pas Julie. Seulement, il fallait que je me méfie de ne pas changer trop rapidement de comportement vis à vis de mon entourage. Si ma femme venait à se douter de quelque chose, elle deviendrait gênante. j’allais devoir faire profil bas en attendant de trouver une solution radicale.
Mon pinpin tu vas trouver mon premier commentaire dans un des chapitres précédent, et oui le survol des chapitres m’a perturbé, je vais essayer de ne pas faire de cochemards cette nuit
bises youyou
Je me répète sur la confusion entre la première et la troisième personne (promis, je n’en parlerai plus si je la retrouve dans les autres chapitres).
« Ca NOUS laisserai le temps d’agir »
« Les vapeurs d’alcool s’étaient évaporées… » (à la fin du chapitre.)