— Karim ?
— Euh… ouais !
— Vous comprenez ce que je viens de vous expliquer ?
— Non !
— Vos parents souhaitent que nous prenions une dĂ©cision Ă votre sujet.
— Mes parents, quels parents ?
— Monsieur et madame Alouche, voyons, votre papa et votre maman !
— Ah bon ?
— Ils souhaitent que nous vous dĂ©clarions dĂ©finitivement fou Ă lier…
— Pourquoi ?
— Pour que la justice leur accorde le droit de gĂ©rer vos avoirs.
— Je ne les connais pas.
— Je sais quâils vous ont abandonnĂ© trĂšs tĂŽt mais ils restent vos tuteurs lĂ©gaux malgrĂ© tout. Quâen pensez-vous ?
— De quoi ?
— De votre Ă©tat ?
— Je ne suis pas fou.
— Tous mes patients disent ça…
— Ils le sont ?
— Pratiquement tous !
— Alors pourquoi poser la question ?
— Parce que depuis quatre ans que je vous observe, vous ne cessez de nous surprendre. Vous prĂ©sentez un cas de schizophrĂ©nie indĂ©finissable, Karim. On vous a amenĂ© dans cet Ă©tablissement en pleine crise identitaire, rejetant avec violence votre Ă©tat dâhandicapĂ© mental. Votre sĂ©jour ici post-traumatique a dĂ©voilĂ© quelquâun dâautre en vous, beaucoup plus intelligent que ne pouvaient le laisser supposer vos antĂ©cĂ©dents mĂ©dicaux. Quelquâun qui se cachait depuis toujours derriĂšre une infirmitĂ© illusoire mais nĂ©anmoins paralysante. Vous avez Ă©tĂ© libĂ©rĂ©, Karim…
— Cesser donc de mâappeler Karim ?
— Acceptez qui vous ĂȘtes, enfin ! Faut-il encore une fois vous rĂ©pĂ©ter que la personne que vous prĂ©tendiez ĂȘtre, ce Youenn Legallec, le mari de votre ancienne Ă©ducatrice, existe bel et bien… mais il nâa rien Ă voir avec vous. Je suis dĂ©solĂ©.
— Vous lâavez rencontrĂ© ?
— Oui !
— Avec ma femme ?
— Non, pas la votre, la sienne. Quand finirez-vous par admettre que ces personnes nâont rien Ă voir avec vous ? Que votre esprit se perd dans une histoire inventĂ©e, imaginant partager la vie dâune personne qui vous Ă©tait proche, pour Ă©chapper Ă son handicap. Maintenant, si vous voulez progresser et vous libĂ©rez dĂ©finitivement de votre passĂ©, je vous conseille dâessayer de lâoublier.
— Câest difficile dâignorer ce que ma mĂ©moire me rappelle sans cesse : lâhistoire dâune autre vie.
— Je sais. Il faut persĂ©vĂ©rer. vous ĂȘtes sur la bonne voie.
— Docteur, pourrais-je sortir, un jour, de cet Ă©tablissement ?
— Cela me paraĂźt compliquĂ© mais cela reste dans le domaine du possible. Cela ne dĂ©pend que de vous !
— Pensez-vous que je puisse redevenir ce que jâĂ©tais ?
— Ce que vous Ă©tiez : non ! Il est Ă©vident que quelque chose a changĂ© en vous. Vous vous ĂȘtes dĂ©barrassĂ© de cette chape de plomb qui muselait votre intĂ©gritĂ© intellectuelle. Mais le risque de sombrer, Ă nouveau, dans la dĂ©mence ou la dĂ©bilitĂ©, nâest pas exclu. Il nây a que le temps qui nous apportera la rĂ©ponse et les soins que vous recevez ici.
— Je crois que je prends trop de cachets.
— Il ne vous appartient pas encore de savoir ce qui est bien pour vous ou non. Faite confiance aux gens qui vous soignent !
— Mais je ne supporte plus dâattendre.
— Câest le prix Ă payer pour votre guĂ©rison.
— Justement, docteur, jâaurais besoin de cet argent quand je sortirai.
Vivement la suite !
Bon, maintenant que tu es Ă la retraite, tu vas pouvoir t’y remettre !!! Ton Ă©ditrice et tes fans t’attendent avec impatience